lundi 4 février 2013

PROCHAINES PRESENTATIONS : MI-MARS 2013




Prochaines présentations : Mi-mars 2013


"Révisons nos Classiques !"




"LA VRAIE COULEUR DE LA VANILLE" - Sophie Chérer (L'Ecole des Loisirs - Médium)




"La vraie couleur de la vanille"
Sophie Chérer
(L'Ecole des Loisirs - Médium)

Dès 12 ans





Sophie Chérer habite en Lorraine où elle est née en 1961. C'est là, entourée d'arbres centenaires et d'écureuils, qu'elle écrit des romans, des articles, des nouvelles, rédige des quatrièmes de couverture pour ses collègues, compose les cinq premiers titres de la série "Mon écrivain préféré", élève sa fille et cultive son jardin. Après avoir voulu être juge, elle est devenue journaliste et écrivain. Pourtant, la question de l'injustice reste au coeur de ses préoccupations, que ce soit dans "Ambassadeur de Sparte à Byzance", "L'huile d'olive ne meurt jamais" ou "A ceux qui nous ont offensés" (L'Olivier). Sophie Chérer est une personne douée d'une énergie considérable et d'un humour à toute épreuve. En 2002, elle a publié "L'enjoliveur", un roman en hommage à son tuteur, Jean Giono. En 2005, le conte "L'ogre maigre et l'enfant fou" a été adapté pour la scène par une troupe de théâtre de l'Ile de la Réunion.


L'histoire :
Une nuit de décembre 1830, Ferréol Beaumont fait un cauchemar. Il se voit en compagnie d'un petit garçon Noir à qui on coupe brutalement la main. Le lendemain, tel un enfant capricieux qui exige un nouveau jouet, il décide de prendre sous son aile un nouveau-né, Noir, orphelin de parents esclaves. Ferréol, héritier d'une plantation familiale de canne à sucre sur l'Ile Bourbon (ancien nom de l'Ile de la Réunion) et de dizaines d'esclaves, est passionné de livres et de botanique, et pense très sincèrement être un "bon maître Blanc".
Le petit bonhomme à la peau noire et douce et qui sent bon le bébé, il faut lui trouver un nom. Les botanistes donnent des noms aux plantes pour les honorer. Les planteurs Blancs donnent des noms aux esclaves pour les humilier, pour se moquer d'eux. Des noms de dieux, empereurs, héros (Jupiter, Zéphir...) ; de vertus (Minutie, Généreux...) ; de villes (Bayonne...) ; de mois et de jours (Janvier, Lundi...) ; de noms grecs (Philogène, Scholastique*...) ; de calembours (Groné, Pacape...)...
Mais Ferréol, lui, ne veut pas faire cela. L'enfant portera le nom du Saint Patron de son jour de naissance et qui signifie, en vieil anglais, "le riche protecteur" : Edmond.
Ferréol ne lui apprendra jamais à lire ni à écrire, parce que c'est ennuyeux et difficile. En revanche, il lui enseignera tout ce qu'il sait en botanique...

*La "Scholastique" (scolastique) désigne l'enseignement de la théologie et de la philosophie dans les universités au Moyen Age. Clin d'oeil à la Rwandaise Scholastique Mukasonga, Prix Renaudot 2012 pour son livre "Notre-Dame du Nil" (Gallimard).


Mon avis :
Ce livre, admirable et fort, conte l'histoire vraie, dramatique, douloureuse, et totalement méconnue, d'Edmond Albius, orphelin, Noir, et esclave, mais aussi génie de la botanique. En 1841, sur l'Ile de la Réunion, à peine âgé de onze ans, Edmond fait une découverte miraculeuse. Trahi, abandonné, il n'en récoltera jamais les fruits ni la reconnaissance. Personnage oublié, seul Marcel Proust mentionne son nom à la fin de "Du côté de Guermantes". Traité comme un petit singe savant, si seulement son maître lui avait appris à lire et à écrire, le destin d'Edmond Albius eut sans doute été différent !
Ce texte décrit avec délicatesse et sensibilité toute la complexité d'une relation, au XIXème siècle, entre un Blanc, héritier d'une plantation et d'esclaves, mais dont la passion se trouve ailleurs, et un enfant Noir, esclave, qui touche du doigt la liberté et l'honneur mais ne recevra ni l'une ni l'autre.

Magnifique, très instructif, et poignant !


"BARBE BLEUE" - Amélie Nothomb (Albin Michel)





"Barbe Bleue"
Amélie Nothomb
(Albin Michel)

Ados / Adultes



Amélie Nothomb :
Depuis la parution de "Hygiène de l'assassin", en 1992, l'écrivain belge est devenue une véritable star et une figure incontournable de chaque rentrée littéraire.

Grand Prix de l'Académie française en 1999 pour "Stupeur et tremblements".
Prix de Flore en 2007 pour "Ni d'Eve ni d'Adam".

Retrouvez Amélie Nothomb pour :
"Antechrista" sur ce blog en août 2010
"Une forme de vie" sur le blog "Le Journal des Libériades" en octobre 2010.

L'histoire :
Saturnine arrive à Paris de sa Belgique natale pour prendre un poste de professeur à l'Ecole du Louvre. Elle découvre la difficulté de trouver un logement dans la capitale. Alors pourquoi pas cette colocation chez un certain "Don Elemirio Nibal y Milcar" dont elle vient de lire l'annonce ? En attendant son tour pour visiter l'appartement, Saturnine apprend que les huit précédentes colocataires ont disparu et qu'une rumeur court à l'encontre du maître des lieux...

Mon avis :
Impossible de déterminer ce que cet ouvrage produit en nous, lecteurs. Une chose est sûre : il déstabilise. Tantôt drôle et caustique. Tantôt profond et émouvant. Tantôt glauque et effrayant. Ce que l'on tient entre nos mains n'est pas un livre. Ce n'est pas de la littérature au sens commun du terme. C'est un objet d'art abstrait unique qui nous offre une part de l'univers étrange et fantasmagorique d'Amélie Nothomb, une part de notre enfance revisitée, et c'est exactement ce que nous attendons de ces contes, année après année.


"UNE PLACE A PRENDRE" - J.K. Rowling (Grasset)




"Une place à prendre"
J.K. Rowling
(Grasset)

Ados avertis / Adultes





J.K. Rowling :
Joanne Kathleen Rowling est née en 1965 en Angleterre. Elle a une licence de français et de lettres classiques et a passé un an à Paris dans le cadre de ses études. Son premier job sera pour Amnesty International à Londres. Elle habite alors à Manchester et c'est au cours d'un trajet en train qui l'amène à son travail qu'en 1990, l'image d'un petit garçon brun à lunettes lui vient à l'esprit. Harry Potter est né. Hélas, la même année, la mère de l'écrivain succombe à la sclérose en plaques à l'âge de 45 ans. Sous le choc, J.K. Rowling s'installe, en 1991, au Portugal où elle épouse un journaliste sportif et enseigne l'anglais. Le mariage est catastrophique mais mère d'une petite fille, Jessica, elle revient avec son bébé à Edimbourg auprès de sa soeur Diane, en 1993, et se plonge dans l'écriture de son manuscrit. "Harry Potter à l'école des sorciers" sera publié en 1997. Depuis, J.K. Rowling vit un conte de fée. Ses sept aventures de Harry Potter sont lues par des millions d'enfants dans le monde entier. Les films tirés de ses romans reçoivent le même succès, ainsi que tous les produits dérivés. Sa notoriété lui permet de soutenir de nombreuses actions caritatives. En 2001, elle épouse le Docteur Neil Murray et le couple a deux enfants, David et Mackenzie. Les droits de "Une place à prendre" viennent d'être achetés par la BBC et une mini-série sera bientôt réalisée.

L'histoire :
Ce soir-là, Mary et Barry Fairbrother vont fêter leurs dix-neuf ans de mariage. Barry n'est pas très enthousiaste. Il est gêné par une migraine persistante depuis deux jours. Mais il a tant de choses à se faire pardonner qu'il ne peut décevoir son épouse. Le couple se rend donc au Birdie, le restaurant du club de golf local. Malheureusement, Barry n'en passera pas la porte. Il s'écroule sur le parking, terrassé par un accident vasculaire cérébral et décède dans la nuit. Barry Fairbrother était Conseiller paroissial (l'équivalent de Conseiller municipal). Sa place est donc à prendre...

Mon avis :
Changement de maison d'édition. Changement de traducteur. Changement de catégorie de lecteurs. Etait-ce une bonne idée ? J.K. Rowling nous convie à Pagford, petite ville cossue du sud de l'Angleterre, au coeur de l'intimité de chaque foyer et des querelles de clochers, et nous explique que le monde ne tourne pas rond nulle part, que la corruption est partout, qu'argent, sexe et pouvoir sont indissociables... Bref ! Tout ce que nous savons déjà ! Des romans bien plus ambitieux nous décrivent tout cela avec bien plus de talent et plus d'originalité ! Ce livre-là manque, hélas, de tout : de suspense, de complexité, de subtilité, de qualité d'écriture... L'histoire ne scotche pas. C'est un peu comme si l'auteur s'était interdite de dévoiler et donner libre cours à toute sa fantaisie et à toute son imagination, que l'on sait fertiles et généreuses, à cause, peut-être, de l'estampille "pour adultes". Pire : elle semble ne pas s'être amusée du tout !
Alors, ne perdez pas votre temps ! Gardez intacts la magie des sept volumes de "Harry Potter" et vos merveilleux souvenirs du petit sorcier !
Pardonnons à J.K. Rowling ce petit incident de parcours, et qu'elle nous revienne d'autant plus formidable en Littérature Jeunesse !


"L'AUTRE FILLE" - Annie Ernaux (Nil)


"L'autre fille"
Annie Ernaux
(Nil)

Ados / Adultes

Grand Prix de l'Académie Charles Cros 2012
pour sa version "Audiolib"
texte lu par Annie Ernaux elle-même


Annie Ernaux
Née en 1940 en Normandie, Annie Ernaux grandit à Yvetot. Fille unique de petits commerçants, ses parents tiennent un café-alimentation proche de la gare. Professeur de Lettres, admiratrice de Virginia Woolf et de Simone de Beauvoir, elle publie en 1974 "Les Armoires vides", puis ne cesse d'écrire des romans proches de l'autobiographie, presque des documents sur la seconde moitié du XXème siècle, des romans où elle se livre en toute sincérité, des livres vrais, intimes...

L'histoire
"Ecrivez la lettre que vous n'avez jamais écrite", proposent les éditions du Nil à plusieurs écrivains. Annie Ernaux a choisi d'écrire à sa soeur aînée. Une soeur qu'elle n'a jamais connue et dont elle n'a appris l'existence qu'à l'âge de dix ans, au hasard d'une conversation entre "grandes personnes"...

Mon avis :
Ne sortez pas vos mouchoirs ! Cette lettre n'est absolument pas triste ou tragique. Annie Ernaux analyse, avec beaucoup de sensibilité, de justesse et de poésie, la fragilité et l'incertitude des sentiments qu'elle éprouve (ou qu'elle n'éprouve pas) envers cet être qui fut vivant, qui fut aimé, qui fut pleuré, qu'elle n'a jamais connu, mais dont elle a sans doute toujours pressenti l'existence.

Humaine. Emouvante. Sincère. Du grand Annie Ernaux, comme toujours !


"LA GUERRE DE CATHERINE" - Julia Billet (L'Ecole des Loisirs - Médium)



"La guerre de Catherine"
Julia Billet
(L'Ecole des Loisirs - Médium)

Dès 12 ans

Sélectionné pour le Prix Sorcières 2013
Catégorie Romans Ados



Julia Billet est née en 1962 et réside actuellement en région parisienne même si elle préférerait s'installer à la campagne pour pouvoir se consacrer à l'écriture plus calmement. Elle écrit souvent la nuit et a ainsi pu produire, entre autres, "Salle des pas perdus", "Cri de guerre", "De silence et de glace". La mère de l'auteur, Tamo Cohen, passionnée de photographie, a été l'une de ces enfants de la Maison de Sèvres, cachée et sauvée grâce à elle et au réseau de l'OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants).


La Maison d'enfants de Sèvres (Hauts-de-Seine) fut fondée en 1941 dans une grande propriété qui, jusqu'à la guerre, abrita une communauté religieuse. Sous l'égide du Secours national, elle était, à l'origine, destinée à héberger des enfants de la région parisienne victimes de restrictions alimentaires. Mais elle a évolué, sous l'influence de sa directrice, Yvonne Hagnauer ("Goéland"), en refuge pour les enfants victimes de la guerre et des persécutions politiques. Au cours des années 1942 à 1944, elle a abrité jusqu'à plus de soixante enfants admis clandestinement, cependant que leurs parents subissaient la proscription et la déportation. L'équipe responsable de la Maison a voulu appliquer des formules nouvelles de gestion et d'éducation inspirées de différentes philosophies en développant le sens de la liberté et des responsabilités, et le respect de la vie et de la nature, autour d'activités telles que l'entretien des animaux, quelques tâches ménagères, le jardinage, la cuisine, la musique, la poterie, la couture, la décoration, le théâtre, l'imprimerie... mais aussi l'instauration de l'équivalent d'un tribunal et d'une cour suprême présidés par les enfants eux-mêmes. De nombreux instituteurs et animateurs ont participé à l'aventure, comme Marcel Marceau ("le Mime Marceau"), ou Paul-Emile Victor. La Maison fut rattachée aux services de l'enseignement de la Seine en 1949. En 1951, elle comptait environ cent trente enfants : enfants de déportés raciaux et politiques, orphelins de guerre, orphelins de père et/ou de mère, enfants de mères abandonnées, enfants de familles sinistrées, enfants de ménages dissociés, enfants en danger moral dans leur famille, enfants de familles ouvrières dont les conditions matérielles d'existence contrarient le développement normal, enfants présentant des troubles de l'émotivité provoqués par les événements de la guerre. La Maison de Sèvres n'était pas "spécialisée" comme l'était la plupart des centres créés pour le sauvetage des victimes de guerre. En 1958, la Maison emménage au Château de Bussières. Yvonne Hagnauer la dirigea durant vingt-neuf ans, jusqu'en 1970. Sous la direction d'"Orchidée", de 1970 à 1990, l'internat et le collège furent rattachés au département des Hauts-de-Seine. La Maison fermera ses portes en juin 2009. "Goéland" a été décorée de la médaille des Justes bien des années après la guerre.

(cf : "La guerre de Catherine" / Wikipedia)

Pétain et Laval

Contexte historique :
Le régime de Vichy est un régime politique français qui dura quatre ans, de 1940 à 1944, pendant l'Occupation nazie. Le chef d'Etat en est le maréchal Pétain. Il instaure un régime autoritaire qui rejette la république et la démocratie, "révolution nationale" résumée dans la devise "Travail, Famille, Patrie". Le gouvernement glorifie le travail traditionnel, apporte son aide financière aux familles nombreuses, exclut les Juifs de la communauté française et leur interdit nombreuses professions telles que militaire ou instituteur, contrôle la radio, la presse, les organisations de jeunesse, et s'appuie sur les associations d'anciens combattants. Pétain, poussé par Laval, engage une collaboration d'Etat avec l'Allemagne. En 1942, l'Etat français livre à l'Allemagne les Juifs étrangers de la zone libre. La police française apporte son concours aux Allemands pour les arrêter dans la zone occupée (rafle du Vel d'Hiv - Vélodrome d'Hiver - le 16 juillet 1942). Le régime incite également les jeunes Français à partir travailler en Allemagne, instaure le service du travail obligatoire (STO) et laisse la milice chasser les résistants et les Juifs. En 1944, les forces alliées débarquent en France. Le 9 août 1944, le Gouvernement Provisoire de la République française (GPRF), dirigé par le général de Gaulle, déclare nul et non avenu le régime de Vichy. Le maréchal Pétain fuit en Allemagne. A l'issue de la guerre, il est arrêté, jugé et condamné à mort. Toutefois, en souvenir du héros de la Première guerre mondiale qu'il fut, le général de Gaulle décide de le gracier.

(cf : Vikidia)


L'histoire :
Rachel, élève médiocre et chahuteuse, est confiée, au début de la guerre, à la Maison d'enfants de Sèvres, en région parisienne, où elle reçoit un enseignement original qui l'épanouit totalement. "Goéland", la directrice de l'établissement, et "Pingouin", son époux, sont les pionniers d'une pédagogie nouvelle.
Malheureusement, nous sommes en guerre, et voici maintenant trois ans que Rachel, adolescente juive, n'a plus aucun contact avec ses parents. La loi de Pétain sur le statut des Juifs ne fait qu'accroître son inquiétude. "Pingouin", ayant repéré chez la jeune fille un véritable don pour la photographie, lui transmet sa passion pour cet art et lui confie un Rolleiflex. Cet appareil scellera à jamais le destin de Rachel...


Mon avis :
Voilà un ouvrage qui traite de la photographie de la première à la dernière page et qui ne nous en offre pas une seule, hormis celle de la couverture. Nous aurions été vraiment curieux d'accompagner de quelques clichés notre lecture de ce récit très original.
On pourrait regretter également que l'ensemble manque de rythme, d'aventures, d'intensité dramatique. Certaines scènes immortalisées par le fameux Rolleiflex auraient pu être plus percutantes. Mais l'auteur a choisi de traverser la guerre avec beaucoup de pudeur et de retenue. Son héroïne n'est, en effet, pas une actrice de cette guerre, mais une observatrice. Elle refuse de se voir en victime et de penser à ses parents. D'une écriture très belle et émouvante, Julia Billet nous décrit de très jolies rencontres, de touchantes histoires d'amitié, des enfants qui ne comprennent pas ce qu'il leur arrive, des adolescents qui ne prendront conscience qu'après coup des dangers auxquels ils ont fait face et des risques que des adultes résistants et courageux ont prix pour eux au péril de leur vie.

Image par image, nous assistons indéniablement
à l'éclosion d'un magnifique papillon émergeant de sa chrysalide !


"LE FIL A RECOUDRE LES ÂMES" - Jean-Jacques Greif (L'Ecole des Loisirs - Médium)




"Le fil à recoudre les âmes"
Jean-Jacques Greif
(L'Ecole des Loisirs - Médium)

Dès 12 ans

Sélectionné pour le Prix Sorcières 2013
Catégorie Romans Ados



Jean-Jacques Greif, né en 1944, auteur de livres pour enfants et adolescents, a d'abord été rédacteur dans la publicité de 1970 à 1975, puis journaliste pour le magazine "Marie-Claire". Il a également enseigné le français et la physique, et a écrit de belles biographies de Mozart, Beethoven, Jeanne d'Arc ou Einstein. C'est lors d'un reportage à Hiroshima, en 1985, pour le magazine "Marie-Claire", à l'occasion du quarantième anniversaire du bombardement, qu'il a rencontré le pasteur Tanimoto (présent dans le livre), ainsi que deux jeunes filles opérées aux Etats-Unis. Il pensait à elles en créant le personnage de Yuriko.

Contexte historique :

  • Le 7 décembre 1941, le Japon attaque Pearl Harbor (Hawaï). A compter de cette date, aux Etats-Unis, cent vingt mille personnes, dont quarante mille jeunes gens de moins de vingt ans, vont être retenues dans des camps, derrière des barbelés, sous la surveillance de gardes armés, au seul motif qu'elles ont des ancêtres japonais (quelques-unes choisiront de repartir au Japon). Madame Roosevelt elle-même contestera l'utilité des camps et l'acte d'exclusion de 1924 qui empêchait les Japonais d'être naturalisés. Des prisonniers juristes ou amis de juriste ont tenté des actions en justice dès le début. L'une d'elles a abouti le 18 décembre 1944 quand la Cour suprême a donné raison à Mitsuko Endo. Aussitôt, le gouvernement a annulé le décret qui chassait les citoyens d'origine japonaise de la côte Ouest et a annoncé la fermeture progressive des camps. Les prisonniers libérés n'ont pas retrouvé leurs biens et sont repartis de zéro. L'acte d'exclusion des Orientaux a été aboli en 1952.
  • Le 6 août 1945, Hiroshima, ville du Japon, devient universellement connue pour avoir été la cible du premier bombardement nucléaire de l'Histoire. L'explosion rase instantanément la ville. On estime le nombre de morts à 250 000.

L'histoire :
Kenichiro, dit "Ken", est un adolescent américain de treize ans tout à fait ordinaire. Il vit confortablement à Los Angeles avec son père, chef d'entreprise, sa mère et sa petite soeur. Jusqu'à ce terrible 7 décembre 1941 lorsque les Japonais attaquent Pearl Harbor. Sur le territoire américain, une chasse aux "sales Japs" est engagée. Ainsi, des milliers d'Américains d'origine japonaise, comme kenichiro, et de Japonais installés aux Etats-Unis depuis des décennies, comme ses parents, sont arbitrairement soupçonnés d'espionnage, et deviennent soudain des ennemis. Le père de Kenichiro est arrêté par le FBI et envoyé dans un camp dans le Montana. Cinq mois plus tard, en 1942, alors que Kenichiro doit présenter à sa classe son exposé sur les loutres de mer, c'est à son tour et celui de sa mère et de sa soeur, de rassembler leurs affaires dans deux valises chacun et de partir. Dans des lettres adressées à Mrs Moore, son professeur d'anglais, Kenichiro raconte son périple jusqu'au camp de Gila River, en plein désert d'Arizona, et son départ pour le Japon en 1943. A Ibara, au Japon, il croise le chemin d'une fille, Yuriko, certes plus jeune que lui, mais qui va lui apprendre tant sur la vie et la nature...

Mon avis :
Cet ouvrage bien documenté évoque un épisode stupéfiant et peu connu de l'Histoire, celui du sort réservé aux Américains d'origine japonaise et aux Japonais installés sur le sol américain, après l'attaque de Pearl Harbor en 1941.
D'abord roman épistolaire bourré d'anecdotes tantôt drôles, tantôt émouvantes, le texte aux mots justes et sensibles devient Journal intime. Il monte alors progressivement en profondeur et en intensité avec l'arrivée de la famille au Japon, la confrontation entre deux cultures que tout oppose, la guerre et la suspicion en toile de fond, mais aussi, tout en délicatesse et en pudeur, de jolies rencontres et de très belles pages de poésie. Puis soudain, nous explose à la figure le récit de l'horreur d'Hiroshima. Sous nos yeux, une fillette découvre avec incrédulité l'enfer. C'est dur. Effroyable. Mais c'est hélas une réalité qu'il est nécessaire de connaître. Le sentiment de culpabilité et les chaînes de solidarité d'un grand nombre d'Américains qui se créent autour des victimes japonaises laissent une impression étrange de gêne et d'admiration.

Un livre remarquable tant pour les ados que pour les adultes !


"La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes de l'homme."
Albert Camus
Combat, 8 août 1945