samedi 3 février 2018

Février 2018 - "Le roman policier"


"Psychiko" de Paul Nirvanas (10/18)

Paul Nirvanas est un des nombreux pseudonymes de l'écrivain grec Pétros K. Apostolidis (1866-1937). Médecin dans la marine de guerre hellénique puis journaliste et homme de lettres, tout à la fois poète, nouvelliste, romancier, dramaturge, essayiste, chroniqueur et traducteur, Paul Nirvanas a aussi vulgarisé en Grèce la philosophie de Friedrich Nietzsche et a travaillé en tant que scénariste pour le jeune cinéma de son pays.

Paru en 1928 sous forme de feuilleton, "Psychiko", considéré comme le premier polar grec, met en place une mécanique infernale, où une police apathique affronte un faux coupable en quête de gloire.

L'histoire :
Une jeune femme a été assassinée à l'arme blanche à Psychiko, un quartier d'Athènes. Un mois plus tard, la victime n'a toujours pas été identifiée, la police n'a aucune piste et la presse ne s'intéresse plus à l'affaire. C'est alors que Nikos Mochanthis, riche héritier en mal de notoriété, décide de mettre son plan à exécution. Nourri aux romans populaires, policiers ou d'épouvante, il veut lui aussi être le héros d'une histoire romanesque et voir sa photographie à la une des journaux. Comme s'il s'agissait d'une expérience amusante ou d'une farce originale, il va bientôt se faire passer pour le meurtrier de la jeune inconnue de Psychiko...

Mon avis :
Ce texte est incroyablement moderne et visionnaire. Paru en 1928, il annonce l'ampleur que va prendre la presse à scandale au cours des décennies à venir et souligne la fascination toujours vive du public pour les faits divers sordides. Nikos Molochanthis est un jeune homme naïf et rêveur, prêt à tout pour son "quart d'heure warholien". Mais très vite il se trouve pris dans les mailles de son propre jeu, enfermé derrière les barreaux et prisonnier de son mensonge.

Un roman à suspense très agréable, fluide, ponctué d'humour caustique et d'ironie, et qui donne à réfléchir. Une très heureuse découverte !

"La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker (De Fallois/Poche)

Grand Prix du roman de l'Académie française 2012
Prix Goncourt des lycéens 2012


Ce roman est en cours d'adaptation pour le petit écran par le réalisateur français Jean-Jacques Annaud ("Le Nom de la Rose", "L'ours", "Sept ans au Tibet"). L'acteur Patrick Dempsey ("Grey's Anatomy") endossera le rôle de Harry Quebert. La diffusion de la série, composée de dix épisodes, est prévue sur TF1 en 2018.


Joël Dicker est un écrivain suisse, de langue française, né à Genève en 1985 d'une mère libraire et d'un père professeur de français, une famille à la fois originaire de France et de Russie. Passionné d'écriture dès l'enfance, il fonde "La gazette des animaux" à l'âge de dix ans et publie une première nouvelle très remarquée, "Le Tigre", à vingt-cinq ans. En 2009, il finit son premier roman, "Les derniers jours de nos pères", sur l'histoire méconnue du SOE, une branche des services secrets britanniques qui a formé des résistants français durant la Seconde Guerre mondiale. L'année suivante, en 2010, il est diplômé en droit à l'université de Genève et son premier roman est récompensé du Prix des écrivains genevois. "La vérité sur l'affaire Harry Quebert", son deuxième roman, se situe aux Etats-Unis que l'écrivain connait bien puisqu'il passe tous ses étés dans le Maine, en Nouvelle-Angleterre. En 2015 paraît "Le Livre des Baltimore" (De Fallois), une suite de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" bien que les deux ouvrages peuvent se lire indépendamment.

La sortie du quatrième roman de Joël Dicker, "La disparition de Stéphanie Mailer" (De Fallois), est annoncée pour le 7 mars 2018.

*

L'histoire :

30 août 1975
Nola Kellergan, une adolescente de quinze ans, disparaît à Aurora, New Hampshire.

10 février 2008
Marcus Goldman arrive à Aurora, invité par son ami et mentor, Harry Quebert, dans sa belle propriété de Goose Cove, au bord de la mer, un magnifique endroit aux allures de carte postale.

Marcus est un jeune écrivain. Son premier roman, publié en 2006, est devenu immédiatement un best-seller et a fait de lui un homme riche et célèbre. Mais depuis ce succès, il est à la peine. Pressé par son agent, lui-même pressé par la maison d'édition, il n'a aucune inspiration pour son second livre et le contrat avec son éditeur expire en juin. Désespéré, il appelle son meilleur ami, Harry Quebert, écrivain éminemment respecté et son ancien professeur de littérature à l'université de Burrows (Massachusetts). Confiant du don remarquable de son élève, Quebert propose à Marcus de passer quelques semaines à Goose Cove où ils travailleront ensemble son manuscrit.

Un jour, seul à la maison pendant que son ami donne cours à l'université, Marcus butine dans la bibliothèque et découvre par hasard, dans des documents privés qu'il n'aurait sans doute pas dû lire, qu'au milieu des années 1970, son mentor a eu une liaison, tenue secrète, et pour cause : le professeur avait alors trente-quatre ans et la jeune fille, Nola Kellergan, seulement quinze. Quebert lui avouera qu'ils étaient très amoureux, que son roman, "Les origines du mal", un chef-d'oeuvre qui fait aujourd'hui référence, a été écrit pour Nola et qu'ils allaient fuir ensemble au moment de sa disparition à laquelle il n'est en rien lié. Marcus n'a aucune raison de douter de son ami. A la fin du mois de mars, il retourne à New York sans la moindre ébauche d'une histoire.

12 juin 2008
Toujours atteint du syndrome de la feuille blanche, Marcus est prêt à jeter l'éponge sur sa carrière d'écrivain lorsqu'un terrible fait divers enfièvre tous les médias. Des ossements humains ont été retrouvés dans le jardin de la propriété de Harry Quebert...

*

Mon avis :

On commence et... 850 pages plus tard, on regrette que ce soit déjà fini ! Ce roman, foisonnant de rebondissements, de coups de théâtre et d'autres belles surprises, est bien plus qu'un thriller au suspense intense. C'est aussi une réflexion sur les écrivains et le travail d'écriture, sur la littérature, sur la transmission, sur la nécessité des échecs et la perversité du succès, sur l'imposture, sur la justice, sur l'Amérique à l'aube d'une élection présidentielle historique... Bien entendu, on ne pourra s'empêcher de comparer le personnage de Nola a un certaine "Lolita". Joël Dicker rend aussi un hommage, qu'il ne dissimule pas, à un auteur qu'il admire, Philip Roth.

Une écriture vivante, excitante, pour un livre qu'il est intéressant de lire avec du recul, bien après tout le barnum des prix littéraires de 2012, l'emballement médiatique, et des critiques qui n'ont pas toujours été tendres, à l'époque, avec ce jeune auteur helvète, dont l'histoire a pourtant conquis conjointement les Académiciens, les lycéens et un large public.

Vous l'aurez deviné : mon coup de coeur !!!


A écouter :
"La vérité sur l'affaire Harry Quebert" - France Culture
Feuilleton radiophonique en 10 épisodes

"Les péchés de nos pères" de Lewis Shiner (Sonatine)

Lewis Shiner est né en 1950 aux Etats-Unis, dans l'Oregon. Il vit à Durham, en Caroline du Nord. Il a été ouvrier dans le bâtiment, musicien de rock et informaticien avant de se consacrer à l'écriture. Après "Fugues" (Denoël, 2000) et "En des cités désertes" (Denoël, 2001), "Les péchés de nos pères" (Sonatine, 2011) est son troisième ouvrage traduit en français. Il a été élu meilleur livre de l'année par le "Los Angeles Times".

L'histoire :

Octobre 2004

Alors qu'au centre médical VA de Durham (Caroline du Nord) son père s'éteint lentement d'un cancer des poumons, Michael quitte l'hôtel qu'il partage avec sa mère, et réserve un autre hébergement, distant de l'hôpital, où il pourra travailler plus librement. Derrière les vitres du taxi, il découvre une ville qu'il ne connait pas mais où ses parents se sont mariés, où il est né, où son père a débuté sa carrière dans le bâtiment et a choisi aujourd'hui de mourir. Lorsqu'il traverse Hayti, quartier noir autrefois très prospère dont il ne reste plus que l'église Saint-Joseph, un détail attire son attention. Dessinateur de bandes dessinées, Michael a déjà vu ce motif dans une série d'albums auxquels il a participé et qui évoquaient le vaudou. Au sommet du clocher de l'église, on ne distingue non pas une croix mais un vévé, symbole d'un dieu vaudou. Son ami Roger, scénariste, saura lui en expliquer la signification.

Installé dans sa nouvelle chambre d'hôtel, Michael ne pense plus au vévé. Autre chose le préoccupe. Du plus loin qu'il se souvienne, il a toujours été convaincu que son père lui cachait un secret lié à sa naissance. Le vieil homme ne sera plus en mesure, à présent, de le révéler. Le temps est venu pour Michael, à trente-cinq ans, de trouver enfin des réponses à ses questions. Pour commencer son enquête, il ne dispose que de deux noms. Le premier est celui d'un cousin éloigné de sa mère, Greg Vaughan, qui vit encore en Caroline du Nord...

Mon avis :
Ce roman noir passionnant est construit autour de la quête d'identité d'un homme et son urgence à connaître la vérité sur ses origines avant le décès imminent de son père. Les investigations du héros l'amènent à traverser une page de l'Histoire américaine, des années 1960 à nos jours. Une sinistre page qui n'est toujours pas tournée, celle du racisme, de la discrimination, de la haine raciale, et les troubles et les violences qui en découlent. Inspirée de nombreux faits et lieux réels, cette peinture romanesque d'une époque est totalement addictive, documentée, mais surtout intense et poignante.

"Te laisser partir" de Clare Mackintosh (Marabout)

Prix du meilleur roman international
du festival "Polar" de Cognac 2016

Prix du meilleur roman policier
de l'année 2016 en Grande-Bretagne


Clare Mackintosh est née à Bristol, au Royaume-Uni. Dans le cadre de ses études de management et de français, elle travaille pendant une année en tant que secrétaire bilingue à Paris. Après l'obtention de son diplôme, elle passe douze ans dans la police à Oxford, qu'elle quitte en 2011 pour devenir journaliste indépendante et consultante en médias sociaux. Puis elle se lance dans l'écriture.

En 2006, Clare Mackintosh donne naissance à des jumeaux, Joshua et Alexander. Alexander meurt à cinq semaines, emporté par une méningite. La perte d'un enfant est au coeur de son premier roman, "Te laisser partir", qui paraît en 2015 en Angleterre. Entre-temps, la famille va accueillir deux nouveaux visages, des jumelles, Evie et Georgie.

Clare Mackintosh publie son second roman, "Je te vois", en 2016. Elle vit à présent avec son mari et leurs trois enfants dans les Cotswolds où elle a créé le festival littéraire de Chipping Norton.

L'histoire :
Il pleut, cet après-midi-là, à Bristol, lorsqu'au retour de l'école, un petit garçon de cinq ans est brutalement fauché par une voiture venue de nulle part, sous les yeux horrifiés de sa mère. Le chauffard prend la fuite. L'enfant meurt avant l'arrivée des secours. L'affaire est confiée au capitaine Ray Stevens et à son équipe de la Brigade Criminelle. Mais les policiers n'ont aucune piste, aucun indice, aucune trace, aucun témoin et, malgré leurs efforts, le dossier sera probablement classé très rapidement. Quant à la maman, seule face au drame, dévastée par la douleur et la culpabilité, elle décide de tout quitter, de disparaître. Le hasard la conduit vers les côtes du Pays de Galles...

Mon avis :
Un roman policier de facture classique au premier abord mais qui se révèle être, au fil des pages, un thriller psychologique d'une intensité croissante redoutable. Un rebondissement à couper le souffle clôt une première partie intime dans laquelle nous avons été au plus près des personnages, découvrant leur force mais aussi leur vulnérabilité face à une tragédie qui les lie. Soudain, le rythme s'accélère. De nouveaux éléments émergent. Plus on s'approche du dénouement, plus le taux d'adrénaline grimpe. Bien ficelé et palpitant. De nombreuses figures féminines. Des thèmes difficiles traités avec réalisme et justesse. Un très bon polar !